Jean-Philippe Fort - Château de Birazel producteur de vins rouge et blanc Bordeaux Sud Gironde Domaine viticole familial à Saint-Hilaire-de-la-Noaille

Rencontre avec Jean-Philippe Fort , œnologue du cabinet Rolland – 1/2

Au château, sa parole est d’or. Jean-Philippe Fort apporte son expertise technique, sa rigueur scientifique et sa connaissance du terroir au projet de la famille Boeckx depuis le tout début. Cet éminent « œnologue de terrain » nous raconte comment il a vu évoluer son métier et comment il espère voir évoluer les vins de Bordeaux.

Un vin est lié à son terroir. Il dépend de la qualité des sols, etc…mais ce sont les hommes et femmes qui sont la clé de la réussite.

Vous faites partie des héritiers du grand œnologue Michel Rolland, dont le cabinet éponyme conseille aujourd’hui plus de 200 crus et vignobles dans le monde. Comment présenteriez-vous votre officine ?

Le cabinet Rolland était au départ, comme ses concurrents, un simple laboratoire d’œnologie, qui ne prodiguait aux viticulteurs qu’un support et des solutions techniques. Sous l’influence de son maître Émile Peynaud, Michel Rolland est passé du laboratoire au terrain. Il a commencé à expliquer aux viticulteurs comment il faudrait qu’ils travaillent pour obtenir des vins de meilleure qualité. C’est ainsi que, dès les années 1970, il a initié l’œnologie moderne et transformé en profondeur la vinification et la viticulture.

Michel Rolland disait qu’un bon œnologue, c’est d’abord les mollets saillants de celui qui arpente les vignes.

Un vin est lié à son terroir. Il dépend de la qualité des sols, etc. mais ce sont les hommes et femmes qui sont la clé de la réussite. Le consulting, ce sont des liens, des histoires et des projets créés avec les clients. Il faut jouer sur la corde sensible, de la diplomatie, faire passer les messages tout en rassurant, avec bienveillance. Nous vendons du rêve, pas des boulons, nous ne faisons pas de la compta mais de l’humain et les clients sont reconnaissants de cela.

Château de Birazel vignoble producteur de vins rouge et blanc Bordeaux Sud Gironde Domaine viticole familial à Saint-Hilaire-de-la-Noaille

Avec le réchauffement climatique, la teneur en alcool des vins est en augmentation, les raisins arrivent à maturité tous les ans de plus en plus tôt

Quel est votre rôle dans l’élaboration des vins ?

Le métier d’œnologue s’est diversifié depuis 30 ans. Il s’agit de comprendre le terroir pour obtenir les plus beaux raisins, de les goûter, de débusquer tous les défauts du vin pour les corriger et le rendre plus « expressif », le doter du profil aromatique frais, complexe et subtil de son terroir. Pour y parvenir, nous scellons avec nos clients des partenariats sur le développement technique du produit.

Considérez-vous qu’il est aussi de votre responsabilité d’encourager les viticulteurs à adopter des méthodes de production plus éco-responsables ?

Je suis biologiste de formation; l’écologie fondamentale était déjà enseignée dans les années 1980, mais les professionnels n’étaient pas prêts. Le secteur était sous la coupe de lobbies agro-chimiques tout-puissants. Aujourd’hui nous n’avons plus le choix. Nous ne pouvons pas faire machine arrière. Avec le réchauffement climatique, la teneur en alcool des vins est en augmentation, les raisins arrivent à maturité tous les ans de plus en plus tôt, les épisodes météorologiques sont plus marqués, les inondations plus récurrentes, les orages plus violents, etc.

La famille Boeckx semble très consciente de ces enjeux.

On ne peut pas se lancer à corps perdu sans stratégie réfléchie, construite, qui aille dans le sens de l’histoire. Aujourd’hui le domaine de Birazel est 50 à 60% éco-responsable. Quand les substitutifs aux intrants chimiques existeront, cette « nouvelle chimie » qui envisage notamment la piste des « clones naturels » pour une viticulture résistante aux ravageurs, un nouveau pas en avant sera possible. Nous passerons en bio quand tout sera bien en place.

Les premiers concernés sont les viticulteurs, qui n’ont pas non plus envie de s’empoisonner en abusant de produits phytosanitaires toxiques. Il faut instaurer une écologie constructive et responsable, ni politique ni partisane, qui tienne compte des contraintes économiques, parce qu’il y a des entreprises à faire tourner. Les normes servent à cela. La pression collective est nécessaire, tout comme une réflexion collective, de plus en plus intéressante, sur les cépages, afin de faire évoluer les domaines. Les viticulteurs ont leur destin en main.

Entretien réalisé par Alice Pétillot

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